Friends (and Forage and Freedom).
Les 3F est un acronyme facile à retenir et définissant les besoins fondamentaux des chevaux. En résumé : ces derniers ne peuvent pas vivre seuls (friends), doivent manger du fourrage en suffisance (forage) et doivent pouvoir se déplacer à leur convenance (freedom).
Les besoins fondamentaux sont les besoins propres à la biologie de l’espèce. Ils sont définis par ce que l’on appelle un éthogramme, issu de l’observation de l’animal dans son environnement naturel.*
Ces besoins sont incompressibles, non modifiables et leur non-respect aura des conséquences physiques et psychiques à court, moyen et/ou long terme.
Aussi, il convient de respecter ces 3F !
Cependant, la réalité s’avère souvent plus complexe qu’un simple acronyme.
Dans ma pratique, je rencontre souvent des responsables d’équidés qui me disent :
» Tout est respecté et pourtant ça ne va toujours pas ! «
C’est pourquoi je vous propose cette série d’articles afin d’ouvrir des pistes de réflexion.
En effet, ce n’est pas toujours simple de trouver des solutions, et que les chevaux nous conduisent à une remise en question perpétuelle … mais ô combien passionnante !
Social plus que grégaire …
Le besoin de vivre avec d’autres équidés est fondamental. Néanmoins, le cheval est un animal non pas grégaire comme on l’entend souvent, mais plutôt social **.
Dès le plus jeune âge, le poulain va développer des compétences sociales dans son groupe familial.
Le groupe de référence dans un territoire naturel est un groupe diversifié en âge, sexe et caractères, donc plus le groupe est diversifié, plus le répertoire comportemental va pouvoir s’étoffer.
Au vu de cet aspect social du cheval, les relations entre eux relèvent des préférences individuelles et ils peuvent avoir des liens d’amitié très forts entre eux.
Cela commence tout poulain, où la mère et le poulain nouent entre eux une relation exclusive. Les liens d’amitié sont caractérisés par plusieurs indicateurs comportementaux, comme le toilettage mutuel, le fait de brouter côte à côte, etc.
… le cheval a besoin d’apprécier ses compagnons de vie.
Il peut donc arriver, que le problème soit que votre cheval n’ait pas de liens d’amitié suffisamment forts dans le groupe dans lequel il vit.
En effet, selon son profil élémentaire (Bois, Métal, Eau, Terre, Feu) il peut avoir besoin de nouer des relations privilégiées.
Un cheval Métal, par exemple, est un cheval qui ne va pas forcément se lier avec tout le monde, et va avoir besoin de faire confiance à un ou quelques individu(s) en particulier.
Selon son vécu personnel également : un cheval avec une forte anxiété de séparation (déséquilibre Terre), va être rassuré au contact de chevaux avec lesquels il s’entend bien et interagit suffisamment.
« Friends » ne signifie pas strictement « congénères » !
Dans des environnements assez étendus, les chevaux en liberté décident de former des groupes d’affinité, notamment des clans familiaux.
Les jeunes mâles devenus adultes quittent le groupe familial pour fonder leur propre famille, ou alors peuvent s’associer entre eux pendant un certain temps.(2)
Les femelles restent et développent une grande habileté sociale qui leur permet de conserver l’harmonie du groupe.
Aussi, une des clés du bien-être de votre cheval est de lui permettre d’avoir une vie sociale satisfaisante !
Il a besoin d’être accueilli tel qu’il est et de pouvoir interagir de façon saine avec ses congénères. En effet, les interactions sociales sont une part importante de la vie du cheval, et plus elles sont de qualité, plus elles lui permettent de se sentir bien.
Des décisions prises en groupe, du grooming, des galopades, etc. sont des indicateurs d’une vie sociale épanouie.
Et si mon cheval n’aime pas les autres ?
Ce comportement doit nous alerter !
Un cheval qui n’aime pas les autres est peut-être … un cheval qui a trop souffert des séparations !
En effet, la tristesse accumulée lors des séparations au cours de sa vie crée un déséquilibre de type Métal. Ce déséquilibre se manifeste par un comportement solitaire, voire défensif.
Le cheval (ou âne) va avoir plus de difficulté à nouer de nouvelles relations et à se laisser aller à faire confiance à nouveau (cela est dû à l’humain en grande partie, qui est en capacité de lui faire revivre une séparation).
Il peut s’être développé un sentiment d’impuissance générateur de frustration.
Des séances de shiatsu permettent dans cette situation de libérer les tristesses accumulées. Le cheval peut alors retrouver sa joie de vivre et sa capacité naturelle à entrer en relation avec ses congénères.
Reconnaître un environnement non-adapté : le cas des pensions …
Nombreuses aujourd’hui sont les pensions qui proposent un hébergement au pré ou équi-pistes, en troupeau. Et beaucoup de propriétaires d’équidés y sont sensibles et recherchent ce type de structure. Il est à espérer même qu’elles deviennent la norme dans les prochaines années !
Cependant, il est important de veiller à ce que le gérant soit bien formé à l’observation et prenne soin de ne mettre ensemble que des chevaux pouvant s’entendre entre eux.
De même il doit respecter un processus d’intégration pour que la nouvelle configuration du groupe soit acceptée par les autres chevaux.
Ce, afin que votre cheval ait le temps de s’habituer à son nouveau lieu, et puisse trouver progressivement sa place dans le nouveau groupe.
Si les conflits sont trop fréquents, ce n’est pas normal.
Peut-être que le nombre de chevaux par rapport à la surface sur laquelle ils vivent est trop élevé, que les conditions d’accès à la nourriture et à l’eau ne sont pas adaptées, et/ou que la composition du troupeau ne convient pas.
… car un groupe de chevaux n’est pas forcément un troupeau serein …
En effet, si le cheval se fait fréquemment mordre ou taper, qu’il n’a pas accès au ressources ou difficilement, vivre avec ses congénères peut devenir un enfer pour lui … et il faut évidemment remédier à la situation le plus rapidement possible !
En effet, les chevaux hébergés n’ont pas tous eu l’occasion de développer leurs compétences sociales (vie au box notamment). Ces derniers peuvent alors être agressifs ou au contraire ne pas comprendre les codes de communication des autres.
Cela n’est pas un problème lorsque le/la responsable est compétent(e) et passionné(e), car il/elle saura la plupart du temps trouver des solutions pour arranger la situation de manière satisfaisante (temps d’intégration adéquat, travail du cheval pour lui donner des codes, l’aider dans sa gestion émotionnelle, lui offrir un cadre sécurisant, etc.).
Certains responsables de pension choisissent de faire des groupes de même sexe, ce qui, selon mes observations, est plus pacifique que les groupes mixtes mal gérés.
Certains chevaux ont vécu trop de changements dans leurs vie et sont donc en déséquilibre Métal, renfermés et peu confiants.
Il leur faut du temps, un accompagnement à la gestion des émotions, une stabilité et la possibilité de créer des liens véritables.
… ni un troupeau stable
Dans certains cas, malheureusement encore trop fréquents, ce qui est déclaré « pension pour chevaux » est en réalité une location d’espace de pré sans gestion véritable.
Les changements de composition de groupe varient selon les aléas et priorités du gérant (cela peut être lié à la gestion du poids, à une gestion de cavalerie dans le cas de clubs, etc.) sans tenir compte de l’aspect émotionnel des chevaux hébergés.
Les chevaux qui vivent dans ce type de structures finissent par être perdus et peuvent développer une certaine anxiété, leur copain favori pouvant être retiré à tout moment, et eux se retrouver dans un groupe inadéquat.
Les séparations ne sont pas à prendre à la légère !
Une séparation, que ce soit la perte d’un copain, un déménagement, etc., est un événement impactant et difficile à vivre. Surtout lorsque le cheval ne vit pas dans un groupe soudé ressemblant à une structure familiale.
Le shiatsu permet aux équidés de mieux vivre les suites d’une séparation, et de faciliter les relations avec ses congénères, si c’est votre cheval qui change d’endroit.
Un accompagnement de son ami resté sur le lieu de départ est également indispensable.
Anxiété de séparation …
Le cheval qui a été sevré trop tôt (choix de l’éleveur, rejet de la maman, décès de cette dernière, etc.) pourra être plus impacté par les séparations.
Et de plus en plus au fur et à mesure du temps, les déséquilibres s’accumulent dans une spirale vicieuse. L’anxiété de séparation en est une des manifestations.
Là encore, l’aide du shiatsu pour libérer le traumatisme source permettra une plus grande résilience, un retour à l’équilibre émotionnel et une meilleure capacité d’adaptation.
… et phobie de la solitude.
La solitude est un autre facteur de fragilité émotionnelle lors de séparations.
En effet, des chevaux ayant vécu des périodes seuls, voire isolés totalement (aucune présence de congénères à proximité, que ce soit dans les pâtures ou des box avoisinants) peuvent développer une phobie de la solitude.
Elle se caractérise par une panique à la moindre séparation de ses congénères. Là encore, un suivi shiatsu permet de ramener de la sérénité chez le cheval et dans sa relation aux autres (à condition que le cheval ne vive plus seul).
La solitude, et encore plus lorsqu’elle est vécue après une séparation douloureuse (sevrage précoce, perte d’un compagnon/ami, etc.) peut également être à la source d’une anxiété profonde, qui bien souvent n’est pas détectée car le cheval est en apparence calme. Cependant, comme il n’a personne pour alerter d’un danger lorsqu’il dort, il ne peut pas accéder à la phase de sommeil profond, et est sans cesse en hypervigilance.
Cela conduit indéniablement à un état d’épuisement chronique.
Si le cheval a un programme de survie visant à faire croire à un éventuel prédateur que tout va bien, lors d’une séance shiatsu, en revanche, le corps ne trompe pas…
Savoir observer son cheval, un outil précieux :
Quelques signes de déséquilibre …
La peau : grasse, collante, ou des pellicules, toute manifestation cutanée (dermite, sarcoïde, gale boue, etc.)
L’attitude : encolure basse, oeil éteint, vide, éloigné des autres, montre les fesses en signe de défense
Le comportement : hyperattachement, gourmandise excessive, anxiété de séparation, phobie de la solitude, hyperanxiété seul en extérieur, mauvaises relations avec les autres (attaque ou se fait attaquer)
Et quand tout va bien ?
Le cheval est curieux, il a un très bon rapport à l’humain. Il sort facilement du pré mais parfois est réticent car il est bien avec ses copains !
Il aime bien brouter pas loin d’un autre, il est allongé pour des siestes sous la surveillance d’un proche, il ne présente pas de traces de morsures, il fait parfois des galopades avec ses camarades de pré, ils jouent ensemble …
Ils peuvent se chasser mais cela va rarement plus loin que des signaux d’avertissement … tout est question d’équilibre !
Apprendre à observer son cheval est primordial pour détecter le moindre problème et agir au bon moment !
Workbook : Apprendre à observer son cheval, par Lisa Diederich
N’hésitez pas à apporter votre expérience ou éclairage, la section commentaires est là pour ça !
* L’éthogramme représente la base de la recherche en éthologie. Il est important de pouvoir dresser un inventaire des comportements d’une espèce avant de pouvoir analyser les comportements individuels. (1)
**En sociobiologie, un animal grégaire vit en groupe, en banc ou en communauté, mais sans structure sociale. […]
(1)https://www.osi-panthera.org/Comment-construire-un-ethogramme.html?lang=fr#slogan
(2) Cheval qui es-tu ? M-A. Leblanc, M-F. Bouissou, F. Chéhu, éd. Vigot, 2004.
Léa Lansade, Dans la tête d’un cheval, coll. Mondes animaux, 2023.